Les Françaises. Elles ont ce petit je-ne-sais-quoi. Du flair. Une attitude. Cette aura d’invincibilité aussi pure que féminine. Je suis assez bien placé pour le savoir : j’en ai épousé une.

Lorsque Joséphine Goube, la CEO de Techfugees (une association sans but lucratif établie à Londres) entre sur scène pour ouvrir le SXSW, elle le fait à la française : d’un pas léger, l’œil scintillant et avec un sourire dans la voix. Sa présentation enjouée et dynamique ne laisse néanmoins pas place au moindre doute : Joséphine Goube sait sortir les griffes quand il s’agit de dévoiler l’injustice extrême avec laquelle les migrants sont traités.

Après deux nominations consécutives (en 2016 et 2017) par le magazine Forbes dans le top 30 des Entrepreneurs sociaux de moins de 30 ans, Joséphine Goube est une activiste passionnée de l’inclusion des migrants, des personnes déplacées et des réfugiés. Avant Techfugees, elle a œuvré comme Tech Evangelist pour la plateforme de recrutement de profils web Yborder.

Vivant non loin de Calais, elle était aux premières loges lorsque le gouvernement français a préféré mettre 2,3 millions dans un mur contre les migrants, plutôt que d’investir dans un camp de réfugiés propre et fonctionnel. Ça la fait frissonner de rage et d’indignation : « Construire un mur revient à marquer une différence entre eux et nous. La première étape pour déshumaniser ‘l’ennemi’ commence avec les mots et les images », témoigne-t-elle avec passion. « Nous devons aussi nous battre pour nos valeurs avec des images et des mots. Nous devons nous battre avec cette Empathie dont nous parlons aujourd’hui. Nous devons humaniser. Nous ne devons pas avoir peur de fixer nos ténèbres. »

 

 

Techfugees

Elle a donc rejoint Techfugees, une association sans but lucratif active à l’échelle globale dont l’objectif est de coordonner la réponse de la communauté tech internationale aux besoins des réfugiés. La raison d’être de Techfugees est de valoriser et donner une voix au travers de la technologie aux personnes déplacées. Techfugees organise des conférences, workshops, hackathons et rencontres partout dans le monde avec l’espoir de déboucher sur des solutions technologiques pour et avec les réfugiés. L’association aide aussi à l’organisation et la promotion des meilleurs projets qu’elle rencontre au travers de partenariats et d’une mise en œuvre sur le terrain.

Même si l’association n’est pas impliquée dans la création ou la promotion d’apps directement auprès des réfugiés, Techfugees promeut et pousse les solutions technologiques comme une manière de conserver la technologie dans la conversation globale liée aux problématiques de réfugiés.

Le pouvoir de votre passeport

« Les migrants ont toujours existé. Ce qui est troublant, c’est que nous les traitons moins bien que par le passé. Avant, nous étions fiers de pouvoir aider. Nous avons absorbé les vagues de réfugiés de la Seconde Guerre mondiale et les personnes qui fuyaient le communisme, ou encore les populations déplacées par la dictature de Franco », énumère-t-elle calmement, mais sur un ton ferme. « Nous avons oublié de nous montrer empathiques avec les gens nés au mauvais endroit. »

Et de continuer : « Nous oublions le pouvoir de nos passeports. Personne ne choisit le pays de sa naissance. Un Allemand peut visiter 147 pays sans visa. Un Afghan peut en visiter 27. De quoi avons-nous peur ? Nous avions 0,17 pour cent de réfugiés en Europe en 2017. »

 

Pensez-y. Prenez tout votre temps.

La technologie, la technologie sociale et les médias pour faire le bien

Techfugees présente différents facteurs de différenciation qui lui ont valu sa réputation de défenseur global de l’utilisation des technologies dans le cadre de l’aide aux réfugiés. Tout d’abord, l’association insiste sur la cocréation avec les réfugiés. Elle laisse les entrepreneurs sociaux utiliser des récits recueillis à la source pour bâtir quelque chose ‘aux côtés de’ plutôt que ‘pour’ les bénéficiaires réfugiés. Cela donne aux populations déplacées une cause, un point de connexion. Un premier signe qu’ils sont humains, intelligents, utiles. Joséphine Goube souligne l’importance des partenariats, de la coopération et du partage des connaissances au sein de l’écosystème regroupant les travailleurs gouvernementaux, les ONG, les entrepreneurs technologiques, les spécialistes de la communication et les donateurs financiers. Cela permet d’éviter le double emploi pour les efforts et les ressources. Cette réflexion encourage un environnement virevoltant et positif, un superconducteur humain pour l’échelle de la solidarité. Techfugees donne aux volontaires et réfugiés l’autonomie nécessaire pour faire face à leurs défis locaux. Elle crée un sentiment d’appartenance symbiotique pour l’intégration sociale, le respect mutuel et l’inclusion.

La technologie entraîne une distribution plus rapide et abordable, une meilleure communication, une meilleure compréhension. Elle permet une utilisation plus efficace de ressources limitées. Elle amorce la croissance et génère des économies d’échelle. La technologie en général, et la technologie sociale en particulier, sont les pierres angulaires d’une aide humanitaire efficace.

Votre téléphone, arme de connexion massive entre les gens

Joséphine Goube demande ensuite à voir tous les téléphones. On voit plus d’un millier d’appareils s’élever timidement dans les airs. Elle sort le sien et l’agite comme pour déclencher une révolution : « Votre téléphone est l’outil technologique le plus puissant que vous aurez dans votre vie. Utilisez-le pour faire le bien. Il contient les réseaux sociaux pour se connecter avec des personnes en péril. Des moteurs de recherche pour creuser les choses et arriver à la vérité. Des appareils photos et des écrans pour voir la réalité des gens. Nous aurons besoin de notre technologie, de nos aptitudes, de notre science, de nos médias et de technologies rassembleuses pour construire des ponts. Les facteurs environnementaux vont faire se déplacer les populations, en masse. Rassemblons la puissance des cerveaux les plus brillants, des technologies et des plateformes de par le monde pour mener à bien cette mission : faire le bien. »

Hugh Forrest, un des big boss du SXSW, avait prévenu le public à propos du profond impact humain et du puissant pouvoir d’empathie de certains des thèmes et intervenants de cette année. Associer la créativité et la technologie sociale pour véhiculer l’humanité. Pour ouvrir une voie vers l’avenir.

Je regarde autour de moi. Des larmes dans les yeux du public, sans exception. C’était le premier jour. C’était la première session. Mon téléphone ne m’a jamais semblé aussi lourd. J’aurais pu jurer l’entendre chuchoter, l’entendre fredonner…

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