Ça s’est concrétisé : ce qui avait débuté comme une rumeur allant de couloir en couloir dans les entrailles du Convention Centre d’Austin où est organisé le SXSW s’est transformé en un tsunami d’excitation : Elon Musk, CEO de Tesla, The Boring Company, Solar City et SpaceX est de la partie ! Samedi, il s’est incrusté au sein du panel Westworld du SXSW, invité par Jonathan Nolan, par ailleurs co-créateur de l’une de mes séries préférées : Westworld. Et Musk a retourné la scène avec le charisme d’un jeune inventeur de génie sous stéroïdes.

 

Ce triste monde qui est le nôtre

Le monde est un endroit complexe, parfois triste et souvent carrément dangereux, et il faut bien dire que nous – humains – n’arrangeons pas vraiment les choses. Musk passe placidement en revue une pléthore de sombres constatations : « Il y a un tas de choses effroyables qui se passent partout dans le monde, tout le temps, et dans plein d’endroits différents. Des tas de problèmes qui doivent être solutionnés, et vite, de préférence. Trop de choses qui sont aussi pitoyables que déprimantes. Ça vous rabaisse, ça vous touche. Ça vous colle au sol. »

 

Faire rêver les gens

« C’est pour ça que j’ai fait ça », enchaîne-t-il : « Nous avons vraiment envoyé une Tesla Roadster avec un astronaute dans l’espace. Parce qu’on pouvait le faire, et parce que tout le programme spatial a besoin de bien plus d’engouement. Je veux que tout le monde ressente toute l’excitation de se sentir vivre et d’œuvrer à quelque chose aujourd’hui. »

« La vie ne peut et ne doit pas tourner autour de la résolution d’une catastrophe après l’autre. Ça n’est pas ça, la vie. Si ça se résume à ça, c’est terminé. C’est la fin. Nous avons besoin de choses qui nous inspirent, qui nous font rêver, qui donnent un boost moral aux gens en les tournant vers leur avenir. C’est pour ça qu’on a fait ça. Parce qu’on pouvait. Je trouve ça incroyablement excitant. Je me sens tellement vivant. Et j’espère que vous ressentez la même chose. »

 

Le retour de Musk

La visite surprise de Musk a été courte, brève, et puissante. À la Musk, en bref. Mais il a invité le public à le rencontrer à nouveau dimanche, pour ce qui s’est révélé être une session géante de questions-réponses à propos du milliardaire et ses nombreux projets. Et donc Elon Musk est réapparu, remplissant au passage la salle mise à sa disposition. Musk… Ce gars a clairement une belle cote de popularité.

 

Un an pour faire voler la fusée vers Mars

Elon Musk a largué une petite bombe dans le public en affirmant que sa fusée à destination de Mars sera testée pour de petits trajets avant le SXSW 2019, une première belle étape dans le long et tortueux chemin qui doit mener à l’envoi d’un véhicule spatial vers Mars. SpaceX se concentre actuellement sur l’envoi d’une mission cargo vers la troisième planète d’ici 2022.

« Notre objectif ultime chez SpaceX est de paver le chemin pour arriver à cerner les possibilités de l’installation d’une colonie humaine sur Mars. Nous construisons à l’heure où nous parlons le premier vaisseau interplanétaire qui ira sur Mars. Je suis confiant et pense que nous serons en mesure de tester le vaisseau en effectuant de nombreux petits allers-retours au début de l’année prochaine. » Après un temps d’hésitation extrêmement bref, il ajoute, déclenchant l’hilarité de la salle : « Mais bon, peut-être que parfois, mes plannings sont un peu… Vous savez… Optimistes. »

 

Big Fucking Rocket (BFR)

Par rapport à l’actuelle fusée Falcon, et à la Heavy Falcon, l’engin que Musk veut envoyer sur Mars est gargantuesque. Le nom de code de SpaceX est le très direct BFR, qui signifie Big Fucking Rocket (une ‘Putain de Grosse Fusée’, en français). Le système de fusée BFR d’Elon Musk ne se limitera pas à ses capacités de voyage interplanétaire : il sera en plus entièrement réutilisable. Il est ainsi incroyable de se dire que, selon les projections, un vol de la BFR coûtera moins de 6 à 7 millions de dollars, pour la portée initiale de la Falcon. Cela fait entrer la BFR dans la famille des vaisseaux spatiaux très abordables.

 

Nous sommes condamnés

D’habitude, le SXSW grouille d’une foule d’optimistes inspirés qui ne manquent ni de mots, ni de réflexions et ni d’aplomb pour affirmer à quel point (et avec un filtre obstinément rose) à quel point l’avenir va être différent et emballant, et à quel point le monde va changer pour devenir un endroit meilleur, en paix, où les humains pourront gaiement laisser cours à leur enthousiasme, tout entourés qu’ils seront de technologies, de nanobots et d’outils à l’intelligence artificielle poussée.

Mais de son côté, Musk dépeint (avec une étonnante énergie dans la voix et une brillante étincelle dans le regard) un monde sombre, morose, et potentiellement voué à la destruction.

Selon lui : « L’humanité danse dangereusement près du ravin, ignorant tous les signaux annonciateurs du réchauffement climatique et son atmosphère à la carbonisation exagérée, et continuant à détruire égoïstement notre planète. Nous n’avons jamais été aussi proches d’une Troisième Guerre mondiale, et on décompte en secondes l’heure du grand boum qui verra notre jugement dernier par éradication nucléaire. Et l’intelligence artificielle qui se retournerait contre nous pourrait bien être un accélérateur dans tout ça. »

 

Skynet

« Je ne comprends pas que la menace des machines n’inquiète pas les chercheurs en intelligence artificielle ; elle devrait », prévient Musk. « J’ai un gros problème avec les soi-disant experts de l’I.A. qui pensent en savoir plus qu’ils n’en savent vraiment. Ils se croient plus malins qu’ils ne sont. C’est difficile d’être plus proche que moi de l’avant-garde de l’I.A., et certains aspects m’effraient. Mais une même épidémie touche les gens intelligents. Ils n’aiment pas l’idée qu’une machine puisse surpasser leur intelligence, et donc ils pensent que c’est impossible et que ça n’arrivera pas. »

 

L’âge sombre

« Si quoi que ce soit du genre arrive (et la probabilité est malheureusement élevée), l’humanité reculbutera dans son âge sombre, surtout si on se tire une balle dans le pied avec une guerre nucléaire ou biologique » prévient Musk. « La civilisation actuelle se recroquevillera dans un état avec plus de high-tech et moins de réalité pendant des générations, avant de mourir dans un hiver nucléaire. »

 

Back-up

Elon Musk est présent sur bien des fronts pour contrer cette annihilation certaine : énergie solaire, voitures et camions électriques, maisons indépendantes hors-réseau à l’énergie solaire, systèmes de transport Hyperloop pour économiser de l’énergie, transport écologique par tunnel… Musk espère que cela aidera à inverser ou du moins ralentir cette course à l’annihilation.

 

Loin du berceau, il est temps de grandir

Avec SpaceX, Elon Musk propose à l’humanité une seconde chance, un plan B, une option qui semble tout droit sortie des esprits science-fictionnels de Bruce Sterling ou Isaac Asimov : Musk veut transformer Mars en une planète de secours, au cas où nous viendrions à détruire la nôtre. Une première étape pour paver le chemin de l’humanité dans le cosmos, pour créer une chance de survie en tant qu’espèce à plus haute altitude… en offrant à l’humanité les outils pour échapper à la destruction totale. « Je me rends compte que la Terre est le berceau de l’humanité », précise Musk. « Mais il serait stupide de rester dans notre berceau. Il est temps de grandir, de déployer nos ailes et de nous envoler. »

Musk espère qu’une colonie sur Mars éviterait la destruction via carbonisation, l’hiver nucléaire ou les guerres qui font rage sur Terre, et qu’une telle colonie parviendrait à raviver la flame vacillante de la vie et de la civilisation. « La manière la plus rapide de rétablir la situation pourrait être que nos colonies reviennent, et aident à la reconstruction », ajoute-il d’un ton optimiste.

 

Entrepreneuriat intergalactique

Musk n’y arrivera pas seul. Il espère que la fusée BFR en développement va déclencher un enthousiasme comparable à celui de la course à la Lune. Il a besoin de soutien pour la technologie, les connaissances, le financement, la volonté, l’ingénierie, la sociologie, et bien d’autres choses encore. Il aura aussi besoin de volontaires, pour l’aider… mais aussi pour voyager jusqu’à la Planète rouge.

« Une fois la colonie établie, après l’installation des infrastructures, comme au temps de l’ouest sauvage, il y aura une réelle explosion des opportunités entrepreneuriales. Mars aura besoin de tout. Des fonderies de fer aux pizzerias. »

 

Doux rêveur ou génie ?

Musk a cette sorte d’enthousiasme continuel, une réserve infinie d’une indomptable énergie. Il jongle entre sombres présages et futurs radieux. On se moque de lui. On le dénigre. Mais il déplace des montagnes. Il est plus têtu qu’une mule, et a plus d’une âme d’enfant qu’on ne pourrait le penser. Il déclenche, il allume, il motive, c’est un infatigable enthousiaste : toujours plus loin, toujours plus haut.

Mes neveux pensent qu’Elon Musk n’est autre qu’Anthony Edward ‘Tony’ Stark, l’acteur de l’univers Marvel. Ça me fait sourire.

Mais on ne me la fait pas, à moi : Elon Musk, c’est Iron Man.

 

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